Les libéraux et sociaux–libéraux ne manquent pas d’imagination pour trouver de pseudos arguments justifiant leurs privatisations. En voici encore un exemple en remplaçant des lignes de trains publiques par des lignes de cars privées. Ils ajoutent ici à l’argument classique du coût financier celui du coût écologique. Une fumisterie.
par Vincent Doumayrou le 10 /09/ 2015
Il y a six ans, un rapport de la Cour des Comptes se disait favorable au remplacement de nombreux trains TER par des autocars, pour des raisons de coût, mais aussi parce qu’un autocar plein pollue moins qu’un train diesel peu rempli. Depuis, au sein du petit monde des leaders d’opinion, on semble s’être passé le mot.
Ainsi, au cours d’une consacrée au lancement des autocars de grandes lignes, Gilles Savary, député socialiste, Pierre Cardo, Président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), et Jean-Marc Janaillac, PDG de Veolia Transport, saluaient conjointement le caractère écologique d’un autocar qui polluerait moins que certains trains Intercités tractés au diesel (peu importe que les autocars Isilines lancés par Veolia concurrenceront des trains qui fonctionnent dans leur quasi-totalité à l’électricité). Le 5 janvier dernier, le Président de la République est allé plus loin en .
François Hollande joue à Benoît XVI… mais devrait écouter Lénine
Ces éléments de langage participent d’un certain « dénigrement du train » (en français, « train-bashing ») destiné à préparer les esprits à la fermeture de secteurs entiers du réseau ferré. Car il faut bien justifier devant l’opinion cette négligence pour un moyen de transport réputé écologique, dans un contexte où François Hollande, tel le Pape au balcon de Saint-Pierre de Rome, pontifie sur la nécessité d’une action urgente pour lutter contre le réchauffement climatique.
Ce qui nous conduit à la question suivante : ces arguments sont-ils exacts ? Le train pollue-t-il plus que l’autocar ? Lénine disait, citant Hegel, qu’on peut toujours trouver des arguments à l’appui de n’importe quelle thèse, et cela se vérifie ici. Il fait peu de doute en effet qu’un autorail rempli de dix personnes consomme et pollue davantage, par passager, qu’un autocar aux normes Euro VI avec 50 personnes.
Mais Lénine ajoutait qu’au-delà de tel ou tel argument isolé, ce sont les faits généraux qui comptent. Et l’exemple repris en boucle du TER vide est en fait un cas extrême, et il n’est pas nécessaire d’avoir un bac + 10 en logique pour savoir qu’on risque fort de se tromper quand on déduit des choses générales d’un cas particulier.
Particulier, car le phénomène des « TER vides » n’est en aucun cas une règle.
Sachant que les TER effectuent chaque année un parcours cumulé de 180 millions de trains-kilomètres, et un trafic de 13,6 milliards de voyageurs-kilomètres, on voit que le trafic est environ 75 fois plus élevé que l’offre, ce qui correspond à un remplissage bien décalé avec l’image du TER vide.
Les chiffres donnés par les organismes d’expertise publics contredisent les discours
Des chiffres officiels sur la pollution et la consommation des différents moyens de transport existent par ailleurs. Les éminences du gouvernement pourraient utilement les consulter, en particulier lorsqu’ils émanent des propres services de l’État – les leurs.
D’abord, voyons la consommation et les émissions de différents moyens de transport selon l’écocomparateur de l’ADEME (l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour un aller simple de 500 km, peu ou prou la distance Paris – Lyon : http://quizz.ademe.fr/eco-deplacements/comparateur/
Le bilan énergétique s’entend exprimé en kilogramme d’équivalent-pétrole, le bilan carbonique en kilogramme de CO2 émis. Le bilan est fait sur la base du taux de remplissage moyen constaté.
Ne le dites pas à François Hollande, mais tous les chiffres sont favorables au train, qu’on le compare à la voiture particulière, à l’avion ou à l’autocar.
Les chiffres du service statistique du Ministère du développement durable nous donnent, pour chaque moyen de transport, les trafics, les émissions de CO2 et la consommation énergétique, non plus sur un trajet isolé, mais sur les données agrégées de tous les trafics faits chaque année en France.
Voici la source : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/references/comptes-transports-2014.html – Télécharger « Séries longues – données au format Excel » – D Transports et développement durable ; E Transports de marchandises ; F Transports de voyageurs.
En tout, si on additionne les voyageurs-kilomètres (1 000 millions) et les tonnes-kilomètres (340 millions), 1 340 millions de kilomètres furent parcourus en France en 2014, dont 134 par transport ferroviaire, soit très exactement 10 % du total.
Or, selon l’onglet « D2G » du tableau « Transports et développement durable », les transports ferroviaires SNCF ne consommèrent que 0,8 million de tonne équivalent-pétrole (tep) en 2013 ; auxquelles il faut ajouter les transports ferroviaires autres que SNCF (opérateurs de fret concurrents à la SNCF, RATP, réseaux de métro en région), soit 25 % en plus environ, ce qui donne un total de 1 million de tep, sur 50,76 millions pour l’ensemble des moyens de transports, soit moins de 2 % de l’énergie consommée pour 10 % du trafic.
Le même tableau, en son onglet D3.1, montre que les transports intérieurs ont émis en France, pour 2013, 126 millions de tonnes de CO2, dont seulement… 1 million de tonne pour les transports ferrés, soit de l’ordre de 0,8 %.
Pour en savoir plus :
- SNCF. La loi Macron va coûter cher aux régions
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