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16 novembre 2023 4 16 /11 /novembre /2023 09:56
12 Novembre 2023 : « Le jour où l’extrême droite a été réhabilitée par la droite »
12 Novembre 2023 : « Le jour où l’extrême droite a été réhabilitée par la droite »

Je ne crois pas que la marche du 12 novembre à Paris ait la moindre conséquence sur la lutte contre l’antisémitisme !

Les macronistes sont tombés tous seuls dans le piège qui a déjà détruit LR[0]

 

 

Écrire en temps de guerre médiatique est un exercice un peu délicat, j’en conviens. Cela peut être imprudent. Un mot, pour peu qu’on le torde sans frein, peut être fatal. Des heures durant sur tant de médias il n’est question de moi que pour m‘insulter, m’attribuer le pire soit par des invités plus ou moins fanatisés soit par des « journalistes » suivant fidèlement des éléments de langage absolument identiques d’une rédaction à l’autre. Certains moments sont spécialement pénibles pour moi par la haine qu’ils expriment, les menaces qu’ils encouragent, ou l’injustice de ce qu’ils diffusent et les calomnies qu’ils rabâchent.
La pseudo exégèse de Mediapart pour porter ses insinuations d’antisémitisme m’a particulièrement choqué. Et le fait de savoir de qui vient cette bassesse n’enlève rien à leur indignité. Je tiens à le dire. Mais par tweet, j’ai pu accompagner l’actualité sans passer par la case déchiqueteuse de ces prétendues interviews pleines de haine et de mauvaise foi que subissent mes camarades. Le tweet permet à la fois de contrôler mot à mot et de placer à bon escient les chiffons rouges à destination des médias.
Je ne suis pas seul sous la douche à boues. En ce moment nuit et jour les insoumis sont pilonnés médiatiquement (attention cette expression est une image. NDR). Il faut le prendre pour ce que c’est : une guerre (c’est une image NDR) des mots. Pour construire des prises de conscience raisonnée, il faut rendre les coups avec efficacité : court, clair, net. Encore est-ce trop pour certains ! « Quand va-t-on lui couper le tweet », demande Marine Tondelier à mon sujet avec sa finesse bien connue.

 

 

Sources : Jean-Luc Mélenchon | mis à jour le

- Mais la conscience politique est bien un tout.

Certes l’actualité des crimes de guerre et la propagande des partisans du soutien inconditionnel au droit de Netanyahu à tuer tout le monde à Gaza, submerge tout. Mais les autres points de tensions de la société continuent pourtant leur vie sous les radars. Ils produiront leurs effets publics le moment venu. Ainsi en est-il des questions sociales qui étranglent la masse de notre peuple. Le moment venu évidemment une étincelle mettra le feu à la plaine (il s’agit d’une métaphore. NDLR).



- Je ne crois pas que la marche du 12 novembre à Paris ait la moindre conséquence sur la lutte contre l’antisémitisme.

Or, c’est un enjeu stratégique pour nous. En effet, les racismes sous toutes leurs formes sont un frein interne puissant contre l’unité populaire dont nous avons besoin. L’antisémitisme est une forme de racisme restant fondamentalement l’apanage de l’extrême droite. Celle-ci était pourtant l’invité très attendue par les organisateurs de la marche. Dès lors, l’union populaire contre l’antisémitisme dans une mobilisation commune devenait impossible à réaliser.


Là est la racine de l’échec populaire de la marche du dimanche 12. Oui, échec, car d’habitude quand il s’agit de mouvement de fond du pays, les proportions sont toutes autres. 200 000 contre l’agression du cimetière juif de Carpentras[1], 4 millions contre l’assassinat de la rédaction de « Charlie »[2].


Quand le peuple profond s’y met, ça donne 963 000 dans tout le pays pour une seule manifestation sur les retraites, selon les chiffres de la police (2,5 millions selon l’intersyndicale[3]). Mais à part la CFDT et l’UNSA, tout le reste du mouvement syndical et social français est resté en retrait. Une bonne partie de la communauté juive aussi a boudé l’événement comme le prouvent les chiffres annoncés. Bref, un gâchis total.

 


- Pourtant cette marche est un succès politicien.

« L’arc républicain » a franchi un pallier en s’affichant uni sur le terrain et en se validant les uns les autres. Le « monde d’avant » s’est reconstitué, affiché et a paradé, tout à sa joie des retrouvailles derrière sa banderole de tête. La droite, le PS Hollande, Cazeneuve, la Macronie amnistiaient l´extrême droite. En échange, celle-ci cesse le combat politique « antisystème ». Tous les rejetés des dix dernières années étaient là : deux anciens Présidents de la République battus, quatre anciens premiers ministres, tous rejetés, sans oublier deux anciens présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour ne citer que ceux-là.


Tous les partis de droite sans exception, toute l’extrême droite plus les groupuscules communautaires violents avaient mobilisé. Et avec eux toute « la gauche d’avant » franchissant elle aussi un palier comme le déclarait Fabien Roussel dans une interview sur place affirmant lancer là « le début de quelque chose de nouveau » entre les trois composantes. Bonjour le baptême ! À la base, l’enthousiasme n’a pas suivi. Le cordon sanitaire n’excédait pas trente manifestants débordés par un simple drapeau royaliste. Et dans les sections ce fut la Bérézina.


Comme dans cette assemblée parisienne où sur cinquante communistes un vota pour aller à la manif et quarante neuf pour le contraire. En région ce fut souvent pire. Donc : tous unis et seulement cent mille personnes si l’on accepte les chiffres des organisateurs. Autant que nous seuls, place de la République en 2017 et 2022, une place plus vaste et plus remplie que l’esplanade des Invalides.

 


- Tout cela a été pourtant préparé de longue main et s’est expérimenté au fil des mois dans les votes communs de la macronie et du RN à l’Assemblée Nationale, loin des yeux du grand public.

Voilà donc pour le prétendu « succès » claironné par tous les répondeurs automatiques.


🔴  « Un bide pour la lutte contre l’antisémitisme en dépit des moyens politico-médiatiques et institutionnels immenses déployés pour la faire réussir, un bide en nombre, un bide du fait du choix d’un périmètre politique incluant l’extrême droite »

 

En fait oui : un succès de manœuvre politicienne. La presse étrangère ne s’y trompe pas. La grand quotidien allemand Der Spiegel par exemple titre : « Pour les juifs de France, Le Pen devient acceptable ». Je ne le crois pas. Mais c’est l’illusion qu’il s’agissait de propager. Je crois au contraire que nous avons besoin d’une vraie mobilisation commune sous la houlette du mouvement social pour refuser d’être embrigadé dans un racisme contre un autre.


Et puisque j’ai déjà cité le Pape je cite à présent le recteur de la mosquée de Paris : « C’est l’heure du choix, déclare-t-il avec noblesse. Pas entre les musulmans et les juifs. Pas entre Israël et un État palestinien dont l’édification s’avère plus que jamais urgente. Non. Il faut choisir entre l’humanisme et l’horreur »[4].. Avant cela il avait protesté : « Les musulmans de France subissent des accusations abjectes qui les (…) rendent tous complices des pires dérives, qui ne sont pas les leurs » parlant de l’antisémitisme.

 


- En effet, cette marche du 12 novembre fut entourée et précédée de violences délibérées.

Violences verbales, islamophobie assumée. Mais aussi violences physiques de la LDJ[5] (Ligue de Défense Juive, NDLR), la milice du CRIF contre le rassemblement au Monument de la rafle du Vel’ d’Hiv’ organisé par les organisations politiques de la jeunesse de gauche avec les syndicats étudiants et lycéens. Mais aussi violences contre des journalistes de France info dénoncées par leur rédaction qui n’ont nommé pourtant ni leurs agresseurs ni « la manifestation aux abords de laquelle » ils ont été frappés.


Des députés ont été insultés et menacés de mort, les musulmans insultés à longueur d’interviews de Zemmour et de Meyer Habib pour ne parler que d’eux. Une ambiance haineuse et sectaire se débridait tout au long du cortège dès qu’un imprudent passait là et pas seulement aux abords des rangs des partisans de l’extrême droite dont c’était " le jour de gloire enfin arrivé[6] ".


Un violent sectarisme régnait. La poignée de socialistes, celle plus maigre encore de communistes et d’EELV ont essuyé leur lot d’injures et de crachats dès leur arrivée. Même Roussel qui avait pourtant annoncé une fois de plus la sortie du PCF hors de la Nupes pour se faire bien voir de la droite qui tenait la rue n’eut droit qu’à des quolibets. Ces trois chefs ont marché tête basse sans obtenir leur absolution du public ultra droitier qui les entourait. On imagine comment auraient été accueillis les Insoumis s’ils avaient eu la sottise de croire les bonnes paroles des initiateurs de cette manipulation ou d’écouter les conciliateurs qui espéraient les y pousser.

 

 

- Telle était cette marche. Un bide pour la lutte contre l’antisémitisme en dépit des moyens politico-médiatiques et institutionnels immenses déployés pour la faire réussir.

Un bide en nombre. Mais aussi un bide du fait du choix d’un périmètre politique incluant l’extrême droite dont nombre de dirigeants de la droite classique et de la macronie se sont réjouis comme le fit Edouard Philippe. Tout cela fut immédiatement capté par le grand nombre poussé alors à rester à l’écart de la marche.


🔴  « Cet évènement représente un palier dans la vie politique de notre pays »

 

Au demeurant, les macronistes eux-mêmes n’avaient pas le cœur à l’ouvrage. Car ils savaient comment les maniganceurs de cette marche avaient volontairement mis hors du jeu Emmanuel Macron lui-même. Lui fut très grossièrement sommé de rallier une démarche organisée par les siens, sans en être informé et d’approuver le périmètre politique et les mots d’ordre. Sagement et comprenant à temps la manœuvre qui dénaturait aussi gravement la fonction qu’il doit encore assurer quatre ans, il s’abstint de s’y joindre[0].


Aussitôt la machine médiatico-politique qui insulte et salit nuit et jour quand elle se met en meute se mit en mouvement contre lui, tous azimuts. Au point où le prétendu CRIF relaya mot pour mot les répliques de Netanyahou à Macron. Et cela le jour où celui-ci décidait de menacer de raser Beyrouth au Liban comme il rasait Gaza[7], tout en conseillant comme un parrain aux chefs d’États arabe de « garder le silence » « dans leur intérêt » !


Dans ce contexte le CRIF se sentit pousser des ailes et l’association loi de 1901 exigea « des clarifications de la France ». Pas moins ! Et toute la fachosphère médiatique se mit aussitôt à l’agonir d’injures et de menaces, jusqu’à des menaces de mort publiquement vociférées comme slogan dans la marche du 12 novembre.

 

 

- Sous cet angle, il est certain que cet évènement représente un palier dans la vie politique du pays.

En effet il parvient à dessiner ce que serait cet « arc républicain[7bis] » où le RN , les Zemmour et la droite seraient bien intégrés et seulement séparés de la « gauche d’avant », paraît-il, par un pauvre cordon symbolique bien maigrichon.


Les supplétifs de la « gauche d’avant » feraient bien de se méfier. Déjà la fameuse marche à l’appel du CRIF dans les beaux quartiers ne leur avait pas valu de compliments de la part des bénéficiaires de leur dévotion. Anne Hidalgo dut être exfiltrée sous les injures. Olivier Faure y manifesta tandis qu’on lui criait dessus : « Zemmour président ». Je plains ces gens.


Les voilà désormais ramenés à la case départ politique d’où la Nupes les avait tirés. Les revoilà marchant avec le Front National comme hier avec les « syndicats » de police[8]. Même veulerie sous la charge médiatique, même rêve d’être les « gentils » de la comédie se chargeant de dénigrer les opposants inconfortables que sont les LFI. Venir à cette marche leur convenait. Venir à celle où appelait toute la gauche sociale et syndicale quinze jours auparavant leur répugnait : aucun des trois n’y appela et aucun n’y vint. Avant de faire le contraire une semaine plus tard.

 


- Pour nous les Insoumis, le défi est désormais dans l’accélération du processus politique que nous affrontons et que le pays subit.

Nos repères ne doivent être en aucun cas les diktats et caprices de la sphère médiatique. Celle-ci est à présent extrêmement extérieure aux questions vivantes dans la société.


Le crime contre l’humanité que les dominants protègent par des diversions de toutes sortes ne pourra être effacé par aucun subterfuge. Notre première tâche est d’alimenter en masse les consciences à cette occasion, jour après jour et dans le détail dans tous les milieux. Il s’agit de construire une prise de conscience durable en faisant comprendre les raisons, les origines, les connexions de ce massacre et de l’introduction en France du schéma politique du « choc des civilisations ».


Il faut voir loin. La guerre générale qui menace au Proche-Orient et aux frontières de l’Europe nécessite un solide armement moral et politique du plus grand nombre. Car elle forme un tout avec l’écroulement social de notre société en voie de quart-mondisation et le délabrement général accéléré sous les coups du changement climatique. Tout cela doit être compris et les réponses comprises et partagées. À ce prix, notre peuple sera fort dans l’épreuve qui s’avance. Sinon il n’y a ni perspectives ni espoir.

 

  • Le futur de la République et d’une société délivrée de tous les racismes n’est pas dans le triste carré de tête des revenants vus à la marche de ce dimanche.
  • Ni non plus dans sa cohue en fin de cortège entre les Zemmour et le Pen.
  • Ni dans les piteux du cordon sanitaire.

Il est de nouveau dans une recomposition générale du paysage politique de la résistance. Il est de nouveau urgent de laisser s’épuiser toutes seules les formules démenties par la vie. Roussel ne veut pas de la Nupes, Faure non plus et le groupe parlementaire dont il est membre l’a déjà retiré de son nom. Leur signature, leurs engagements ne valaient rien.

 

  • Pouvons-nous l’ignorer ?
  • Subir de nouvelles invectives, outrances et mise en cause personnelles ?
  • Accepter de voir notre image abîmée par le spectacle de divergences aussi incompréhensibles que venimeuses ?

Nous n’avons pas eu besoin de tout cela pour parvenir au point où nous avons amené nos idées et notre programme dans la confiance populaire. Ne confions à personne le soin de faire le travail nécessaire.


Mieux vaut admettre combien notre confiance a été trompée que de continuer à espérer une aide qui nous sera toujours refusée avec mépris, ingratitude et méchanceté. L’enjeu n’est pas les bons points pour bonne conduite délivrés par l’officialité mais la survie de la démocratie dans un pays dévoré par l’autoritarisme du sommet, le sectarisme des intermédiaires et la désorientation des bases populaires.

 

🔴  Pour aller plus loin : Tribune – Jean-Luc Mélenchon : « Turbulences des sommets »

 

 

- Dans ce 167e numéro de la Revue de la semaine, Jean-Luc Mélenchon revient sur les dernières actualités.

Et, dans ce cadre, il :

  • commence par parler du conflit au Proche-Orient, pour rappeler l’importance des frontières dans les conflits internationaux.
  • revient sur la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, soulignant ses limites conceptuelles et son utilisation pour justifier des politiques de domination. Au XXIème siècle, elle s’ajoute au concept de « guerre totale » et donne lieu à ce qu’on nomme « le nettoyage ethnique ». 
  • revient alors sur la nécessité d’un cessez-le-feu, ce qu’il soutient dès sa première déclaration suite aux attaques du 7 octobre 2023
  • souligne ensuite l'impact des conflits étrangers sur la politique nationale.
  • critique alors l’organisation de la marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023, affirmant que l'absence de l'appel à la lutte contre tous les racismes a empêché beaucoup de monde de participer. Il souligne la nécessité d'une mobilisation massive contre tous les racismes, l’antisémitisme et l’extrême droite et appelle  les insoumis à manifester samedi 18 novembre à cet égard.

 

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27 juillet 2023 4 27 /07 /juillet /2023 13:52
De la république policière à la république fasciste ?

S’il faut en passer par la pure ignominie politique pour défendre l’ordre bourgeois, ainsi sera-t-il.

 

 

On savait déjà très exactement où en est le signifiant « républicain » après un communiqué ouvertement raciste et factieux de syndicats policiers d’extrême droite, invoquant comme il se doit « l’ordre républicain » pour lancer la chasse à l’homme, plus précisément à ceux des hommes considérés comme des « nuisibles ». Tout à son habitude de confondre modération et aveuglement, le journal Le Monde avait jugé le communiqué « révélateur de l’exaspération des troupes », là où il aurait plutôt fallu y voir la fascisation caractérisée de l’appareil de force — et en concevoir un chouïa plus d’inquiétude.

Mais jamais Le Monde ne dira un mot de la fascisation en cours : consentir à l’aveu qu’elle se déroule sous les auspices d’un pouvoir qu’il a si longtemps encensé, c’est sans doute trop lui demander. Le Monde peut à la rigueur comprendre le fascisme comme malheureuse irruption venue de nulle part, ou comme curiosité historique sans suite possible, mais jamais n’accédera à l’idée que le fascisme naît « du dedans ». Car notre « dedans », pour Le Monde, c’est « la république » et « la démocratie ». Or comment la république et la démocratie pourraient-elles accoucher du fascisme puisqu’elles en représentent le principe opposé ? Voilà la bouillie qui traîne dans les têtes formées à l’Institut d’Études Politiques, école où l’on n’a notoirement jamais rien compris à ce qu’est la politique....

 

Sources : Le Monde diplomatique par Frédéric Lordon | mis à jour le 12/02/2024

- Hypothèses
Ici commence la divergence des interprétations possibles — pour maintenant ou pour plus tard....

 

🔴 Pour lire la suite 👉 https://blog.mondediplo.net/de-la-republique-policiere-a-la-republique

 

 

 

- Audio de De la république policière à la république fasciste ?

 

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23 juillet 2023 7 23 /07 /juillet /2023 17:49
« Arc républicain » : le grand renversement

« Vous sortez du champ républicain ! » Depuis des mois, la Macronie n’a que cette formule à la bouche pour invectiver la gauche de l’hémicycle. Tout en ménageant son extrême droite... un jeu dangereux ! 

Il faut arrêter de courir après le RN[1bis] !

 


« Hitler plutôt que le Front populaire » : cet adage venu de la bourgeoisie de la fin des années 1930 bourdonne dans ma tête. La formule de l’époque disait le choix dans l’ordre des ennemis. Le projet qui a débouché sur le nazisme apparaissait moins dangereux à une partie des classes dominantes que le partage des richesses soutenu par Léon Blum et ses alliés. Dans notre société contemporaine, déboussolée et en tension, le grand renversement à l’œuvre porte le sceau de cette hiérarchie des normes.
Jusqu’ici, et depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’extrême droite était communément considérée comme le danger ultime pour notre pays. Il y a plus de soixante-dix ans que le front républicain signifie son bannissement. Or, c’est bel et bien à un retournement de l’adversaire principal auquel nous assistons cette année. Point d’orgue, mardi 4 juillet à l’Assemblée nationale, la Première ministre assénait explicitement que « la France Insoumise ne se situe plus dans le champ républicain
[0] ». Applaudissements nourris sur les bancs de Renaissance, de LR et du RN. Si ce genre d’outrances et mises au ban n’avaient pas cours depuis des mois, j’en serais restée clouée au siège.

 

 

Sources : Regards par Clémentine Autain

- Haro sur les insoumis/Nupes
L’angle d’attaque des macronistes est limpide depuis le début du quinquennat. D’une main, normaliser la présence du RN au sein des institutions républicaines. De l’autre, chercher à fracturer la Nupes, en tentant d’isoler LFI de ses partenaires et de l’exclure du front républicain. Dès le début du quinquennat, Emmanuel Macron et les siens ont choisi de légitimer le RN (NDLR : Législatives 2022 : seuls 7 candidats Ensemble sur 62 ont appelé à voter pour la Nupes contre le RN au second tour[2bis] en lui permettant d’accéder à deux vice-présidences de l’Assemblée nationale[1], en l’installant comme un parti tout à fait normal. En même temps que Yaël Braun-Pivet peut déclarer que Sébastien Chenu est un « très bon vice-président » de l’Assemblée nationale[2], les sanctions disproportionnées et les déclarations méprisantes à l’égard des députés insoumis se multiplient comme des petits pains. De cordon sanitaire avec le RN, il ne fut pas question, contrairement à « Renew », le groupe libéral au Parlement européen dominé par les macronistes qui a adopté le parti pris inverse. C’est à gauche toute que les flèches sont lancées. Aujourd’hui, Éric Dupond-Moretti ou Aurore Bergé reprennent sans sourciller la formule de Jordan Bardella : « La France incendiaire[3] ».

 

 

- Cette attitude doit se comprendre à l’aune de la tripolarisation de la vie politique[4].
Pour gagner, là où droite et gauche classiques y parvenaient autrefois de façon automatique – jusqu’au crash du 21 avril 2002…-, il faut désormais franchir la barre du second tour de l’élection présidentielle. Macron et les siens partent du principe que le RN sera forcément présent et qu’il leur reste donc à éliminer la gauche et les écologistes. La Nupes devient alors la cible privilégiée. La macronie n’a pas oublié que nous incarnons la première force d’opposition au gouvernement. Avec cette union, nous sommes arrivés en tête au premier tour des législatives : plus de 5,95 millions de voix, soit environ 100 000 de plus que la coalition macroniste. À l’évidence, Renaissance préfère se retrouver face à Marine Le Pen au second tour, espérant que le RN constitue, comme hier, l’assurance-vie de sa victoire. Cette stratégie est d’une dangerosité abyssale. Elle brise les repères historiques. Et, chemin faisant, elle dédiabolise, institutionnalise, banalise l’extrême droite. La macronie devait constituer un barrage au RN mais se révèle une passoire. Or qui peut dire aujourd’hui que le clan Le Pen ne peut pas gagner dans notre pays, comme nous le pensions tous il y a encore quelques années ?

 

 

- Le positionnement de Renaissance n’est pas seulement tacticien. Il correspond aussi à un glissement idéologique. 
En six ans de gouvernement, la pente dévalée est sévère. Partie avec le « ni droite, ni gauche[5] » en bandoulière, la macronie est devenue totalement hémiplégique. En 2018, Macron a rendu hommage à l’action militaire de Pétain. En 2019, il s’est confié à Valeurs Actuelles. En 2023, aucun poids lourd macroniste n’est venu défendre la rédaction du JDD contre la nomination de Geoffroy Lejeune. Et pour la rentrée parlementaire, deux grands textes à droite toute attendent les député.es : l’immigration et le conditionnement du RSA, soit les deux thèmes les plus chers à Marine Le Pen (NDLR : Macron : 7 ans de flirts avec l’extrême-droite[6]).


Désormais, chaque moment de tension politique devient l’occasion de montrer du doigt… la Nupes et plus encore LFI, accusée d’être violente, agitée, outrancière. Le renversement est à chaque fois édifiant. La macronie brutalise la démocratie avec ses 49.3 mais ce sont les insoumis qui auraient délégitimé les institutions républicaines. Elle interdit la manifestation à Sainte-Soline dénonçant une aberration environnementale et l’accueille avec un dispositif policier hors de proportion, préparant ainsi l’escalade de la violence, mais ce sont les manifestants qui sont d’épouvantables « écoterroristes ». Elle est responsable de l’impunité à l’égard des policiers et de la doctrine du maintien de l’ordre ayant débouché sur la mort de Nahel[7], après d’autres, mais ce sont les insoumis qui, défendant la justice et une police républicaine, sont tenus pour responsables des émeutes. On peut discuter de la stratégie des insoumis et de son profil politique mais l’inversion des responsabilités et de ceux qui défendent les principes républicains est proprement insensée.

 

 

- Leur arc réactionnaire
Au même moment, des leaders de la droite ayant longtemps appartenu à des familles très modérées ont basculé dans la surenchère avec les idées d’extrême droite. Pour tenter d’exister, il faut aller encore plus loin que Le Pen. Là non plus, de barrage et de frontière étanche, il n’est plus question. Il n’y a qu’à suivre les déclarations d’Éric Ciotti ou Bruno Retailleau pour s’en convaincre. Comme à chaque moment historique de conflictualité importante entre les dominants et les dominés, la droite fait passer les principes républicains au second plan. Et évidemment, la Nupes en général, et les insoumis en particulier, deviennent l’objet de tous les déchaînements. On commence avec Renaud Muselier qui stigmatise « une gauche sale et débraillée » et on finit avec Othman Nasrou qui affirme que « ce sont les insoumis qui tuent, aujourd’hui, par leur idéologie ».

 

La synthèse de ce grand renversement est donnée par Jean-Pierre Raffarin. L’ancien premier ministre déclarait en 2015 être prêt à travailler avec les socialistes contre « l’ennemi commun », le RN[8]. En 2023, il se félicite car « un front républicain anti-Nupes est en cours de constitution[9] ». Une nouvelle « sainte alliance » serait-elle née contre la gauche, dont toute l’histoire est pourtant marquée par la défense permanente et parfois bien seule des principes républicains ? Ce n’est pas un « arc républicain » mais un arc réactionnaire qui se constitue, se consolide[10]. Comme l’a bien résumé Thomas Legrand dans un édito pour Libération, « confondre l’arc républicain avec le cercle de la raison ou avec la culture gouvernementale est une erreur »[11]. C’est même une faute morale et politique aux répercussions potentiellement désastreuses pour notre pays.

 

 

- Ligne de crête et point de passage
La macronie joue avec le feu et, avec ses alliés, nous tend un piège. Le tout est de ne pas sauter dedans à pieds joints. Sans cesse, nous devons chercher à éviter les termes du débat médiatique et politique voulus par nos adversaires pour tenter d’imposer les nôtres. Par exemple, qu’avions-nous à gagner à l’installation d’un clivage sur le « calme » au moment des révoltes après la mort de Nahel ? Sur le fond, toute la Nupes défend la paix civile et sait combien les citoyen.nes des quartiers touchés par cette rage destructrice aspirent à une situation apaisée. Le sujet central n’est pas de savoir s’il faut ou non le calme mais comment y arriver. Gageons de porter le fer au bon endroit. Et d’éviter, comme le fait systématiquement désormais Fabien Roussel, de souffler sur les braises en se repaissant des angles d’attaque des droites contre Jean-Mélenchon et les insoumis, ou en enterrant la Nupes. C’est sur les solutions qu’il fallait centrer la confrontation avec nos adversaires en mettant en avant le fond commun à la Nupes, bien réel et substantiel[12]. Je ne dis pas que c’est facile devant le tsunami de mises en cause, je pointe la ligne de crête que nous devons inlassablement rechercher : tenir bon sur nos convictions en évitant le piège de la marginalisation. Je sais que nos adversaires, nombreux, se jettent sur le moindre mot pour nous discréditer et tenter de fracasser la Nupes. À nous de chercher à chaque fois le bon angle et les mots justes pour éviter les polémiques qui contournent les enjeux essentiels et nous divisent.

  • Oui, une tentative de déstabilisation à grande échelle est lancée contre nous.
  • Oui, elle est injuste et grossière.
  • Oui, elle vise à empêcher une issue progressiste aux crises que nous traversons, une alternative au néolibéralisme, une avancée pour la dynamique républicaine. La question est celle de notre attitude dans ce moment de grave basculement idéologique et politique.

Où est le point de passage ? Ma conviction est qu’il ne faut donner aucun bâton pour se faire battre et chérir l’union que représente aujourd’hui la Nupes, condition pour gagner.

 

 

- Le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’instabilité

Depuis les gilets-jaunes, la politique de Macron conduit à un embrasement permanent. Cette année a été celle d’un niveau de mobilisation exceptionnel, sur le terrain social et écologique. Parce que la voie de la médiation et de la raison a été systématiquement dévoyée, c’est le chemin de la violence qui gagne de plus en plus les esprits, face à l’injustice et à l’aveuglement. La droite se radicalise, des groupuscules néo-nazis se livrent à des ratonnades à Lyon, Lorient ou Nevers, des syndicats de police sont désormais contrôlés par l’extrême-droite[13][14]. En refusant de voir ce phénomène, en contribuant à l’alimenter, Macron et les siens passent à côté de l’histoire et contribuent, par leur surenchère, à la disparition programmée de sa famille politique, gangrénée par le racisme et l’étroitesse de vue.

 

Nous ne sommes décidément pas dans des temps calmes. Au regard de la gravité de la situation politique, notre responsabilité est immense. En dépit d’une Nupes aujourd’hui fragilisée, la perspective d’une victoire de la gauche et des écologistes reste un espoir crédible, un espoir puissant, un espoir que nous devons confirmer.

 

Notes

[0] LFI ne « se positionne pas dans le champ républicain » selon Élisabeth Borne

[1] Assemblée nationale : le RN obtient deux vice-présidents, la gauche s’insurge

[1bis] Il faut arrêter de courir après le RN

[2] Yaël Braun Pivet présidente de l'Assemblée nationale a jugé que le député du RN " n'est pas un bon, mais un très bon vice-président " au Palais Bourbon

[2bis] Législatives 2022 : seuls 7 candidats Ensemble sur 62 appellent à voter pour la Nupes contre le RN au second tour

[3] Tweet du compte « Caisses de grève »

[4] Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire par Jean-Luc Mélenchon

[5] Emmanuel Macron, ovni politique “ ni de droite ni de gauche ”

[6] Macron : 7 ans de flirts avec l’extrême-droite

[7] Meurtre de Nahel : appel d’une centaine d’organisations contre les violences policières

[8L'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, appelle Les Républicains à " travailler avec le gouvernement car le Front national est un adversaire commun "

[9POUR JEAN-PIERRE RAFFARIN, " UN FRONT RÉPUBLICAIN ANTI-NUPES EST EN COURS DE CONSTITUTION "

[10] « S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »

[11« Les insoumis ont autant leur place dans l’arc républicain que les sans-culottes« , à lire dans Libération le 7 juillet 2023.

[12J’invite à lire cet entretien croisé dans Médiapart qui, désossé, donne à voir les convergences sur la réforme nécessaire dans la police. L’insoumis Manuel Bompard et le socialiste Philippe Brun sont d’accord pour revenir sur la loi de 2017, en finir avec l’IGPN pour mettre en place une instance indépendante de contrôle de la police, introduire enfin le récépissé pour les contrôles d’identité ou encore investir dans la police de proximité. Ces points d’accords ne sont pas marginaux : ils dessinent bel et bien les contours d’une alternative.

[13Le chef de la DGSI pointe de façon très claire les menaces que font peser sur notre pays l’extrême droite et l’ultra-droite

[14Le terrorisme d'extrême droite s'incruste en France au service de l'extrême droite politique (RN - ZEMMOUR)

 

Pour en savoir plus :

Plutôt Hitler que le Front Populaire dans les années 30, plutôt Le Pen que Mélenchon aujourd’hui

- Retour à la raison sur les révoltes urbaines

 

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9 juillet 2023 7 09 /07 /juillet /2023 13:00
Entretien de Jean-Luc Mélenchon avec Mediapart le 4 juillet 2023 : « Le pouvoir ne contrôle plus la police, il en a peur »

Il y a un retournement du front républicain, transformé en « front antipopulaire » ?

 

 

Une semaine après la mort du jeune Nahel, le chef de file de La France insoumise revient sur la nécessité d’apporter des réponses politiques aux violences policières et à la relégation des quartiers populaires. Et appelle la gauche à « se réveiller » face à l’extrême droite.
Le ton est de nouveau monté, mardi 4 juillet, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Interrogée par la présidente du groupe La France insoumise (LFI), Mathilde Panot, sur l’absence de réponses politiques une semaine après la mort du jeune Nahel, tué à bout portant par un policier, la première ministre s’est encore attaquée au mouvement de Jean-Luc Mélenchon. « Vous sortez du champ républicain », a-t-elle cette fois lancé aux député·es insoumis.

Depuis le drame de Nanterre, les critiques de la droite et de l’extrême droite se sont concentrées sur LFI, gagnant peu à peu les rangs de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Le débat sur les violences policières et les quartiers populaires, lui, a été complètement éclipsé. Dans un entretien accordé à Mediapart, Jean-Luc Mélenchon analyse les ressorts de ce basculement, derrière lequel il perçoit l’avènement d’un « front antipopulaire ».

 

 

Sources : Médiapart par Mathieu Dejean, Fabien Escalona et Ellen Salvi | mis à jour le 23/08/2023

- Mediapart : Cela fait une semaine que Nahel a été tué à bout portant par un policier. Très vite, le débat n’a plus porté sur les violences policières, mais sur celles des jeunes des quartiers populaires. Quel regard portez-vous sur ce basculement ?
Jean-Luc Mélenchon : Le président aurait dû répondre, séance tenante, aux problèmes qui ont créé les circonstances de la mort de Nahel, c’est-à-dire immédiatement suspendre cette loi « permis de tuer » Cazeneuve de 2017. Mais comme son intention n’est pas de répondre aux problèmes qui sont ici posés, il en a inventé d’autres. C’est une tactique de diversion.

 

Il a d’abord pointé la responsabilité des parents – ce qui est un propos insultant, qui manifeste son refus de prendre en compte leur situation sociale. Puis, il a mis en cause les jeux vidéo – ce qui est une assertion digne du café du commerce, car il n’y a aucune étude qui atteste d’un lien entre ces jeux et la violence. Enfin, la majorité nous a pointés, nous, les Insoumis.

 

Quand j’ai expliqué que nous appelions à la justice, on en a déduit que je n’appelais pas au calme et cela nous a été reproché. Pourtant, nous intervenons sur notre terrain. Nous ne sommes pas des sociologues ou des urbanistes. Notre rôle consiste à formuler une évaluation politique d’un problème politique pour lui apporter des réponses politiques.

 


- Mediapart : Comment jugez-vous celles du pouvoir ?
Jean-Luc Mélenchon : Je note que la première réaction de Macron, lorsqu’il a été informé de la mise à mort d’un jeune homme de 17 ans, a été humaine. Comme n’importe quel parent, il a estimé que cet événement était inacceptable, ce qui est vrai. Et il s’est arrêté là, laissant le soin à un ministre d’appeler la mère de Nahel. Il aurait pu l’appeler lui-même ou aller la voir, ce qui aurait été un geste extrêmement fort, pour montrer qu’il n’y avait pas de décrochage entre la population et les autorités.

 

Au lieu de cela, il a passé son temps à courir derrière la police. Ce qui a été immédiatement compris par les syndicats policiers Alliance et Unsa Police, qui ont produit un communiqué en tous points inacceptable. Or, nous n’avons pas entendu une seule critique. Quand on a interrogé Dupond-Moretti ou d’autres dirigeants, ils ont dit que ce n’était pas leurs paroles, voire qu’ils n’avaient pas de commentaire à faire. Ce qui veut dire que nous sommes plus en danger que nous ne le pensions.

 

Le président et son gouvernement n’ont toujours pas fait une seule proposition en rapport avec les événements.

 

L’organisation majoritaire de la police déclare que « l’heure n’est pas à l’action syndicale mais au combat » et même que « les policiers sont au combat car nous sommes en guerre ». Je parle là comme le représentant politique d’une partie de l’opinion des Français, qui se sent menacée par un pouvoir qui se comporte de cette manière face à la population des quartiers populaires. Et qui ne fait rien quand des bandes armées de fascistes viennent dans les rues choper des gamins et les livrer à la police. J’insiste donc : nous sommes en danger car le pouvoir ne contrôle plus la police. Il en a peur. Il lui est soumis.

 

Voilà la situation au bout d’une semaine. Avec ce constat inouï que le président et son gouvernement n’ont toujours pas fait une seule proposition en rapport avec les événements, à part envoyer 45 000 hommes [chargés du maintien de l’ordre – un chiffre volontairement surestimé par le ministère de l’intérieur, selon Le Canard enchaîné – ndlr] dans tout le pays. Même Jacques Chirac, en 2005, avait tenu un discours qui essayait de préserver un terrain commun, sur lequel les gens de tous bords pouvaient se retrouver.

 

À l’époque, Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, avait eu cette phrase magnifique au congrès du PS, tenu à la sortie des révoltes urbaines : « Vous souhaitez un retour à la normale, mais c’est la normale qui est insupportable. » Nous savons que la normale est insupportable et que le peuple qui se trouve là la supporte avec un courage et une patience incroyables. La réponse, c’est donc la justice. Autrement dit : le calme, ça se construit.

 

 

- Mediapart : Vous affirmez que le pouvoir a peur de la police. C’est une parole forte. Est-ce selon vous une situation inédite sous la Ve République ?
Jean-Luc Mélenchon : C’est justement une situation similaire qui a donné la Constitution de 1958, car le pouvoir ne contrôlait plus l’armée. Là, il [Ndlr : Macron] ne contrôle plus la police, dont les syndicats majoritaires utilisent des mots directement tirés du répertoire de l’extrême droite, en traitant la population qui lui résiste de « nuisibles ». On avait eu un premier signal d’alerte quand Christophe Castaner s’était prononcé contre les clés d’étranglement. On avait alors été stupéfaits de voir des policiers réclamer que leur soit laissé le droit d’étrangler. À ce moment-là, on avait compris que pour montrer une telle audace, il fallait qu’ils sentent un rapport de force favorable. De fait, M. Castaner y a laissé son ministère.

 


- Mediapart : Comment expliquez-vous qu’il soit devenu impossible d’avoir un discours critique sur la police ? De tout simplement dire qu’il y a un problème de racisme dans la police sans être immédiatement mis au ban de la République ?
Jean-Luc Mélenchon : Au point de départ, il y a une confrontation de deux visions du monde et des rapports sociaux : l’extrême droite et les Insoumis. Ceux qui partageaient la doctrine économique du libéralisme se sont retrouvés face à une population qui résistait massivement à leur politique. Ils ont alors accepté le discours de diversion de l’extrême droite, prétendant que le problème c’est l’immigré, et même le musulman, afin d’introduire une coupure dans la population française. Ce faisant, ils ont dévalé la pente. C’est le destin promis à quiconque cède un mètre de terrain à l’extrême droite.

 

Il y a eu un retournement du front républicain, transformé en “ front antipopulaire ”.

 

Cette évolution vers le pire se traduit politiquement par ce que les économistes Bruno Amable et Stefano Palombarini appellent le « bloc bourgeois ». On a bien vu au second tour des législatives que le pouvoir considérait que le pire, ce n’était pas l’extrême droite mais nous. Puis, il y a eu le tournant de l’élection partielle en Ariège, où une candidate insoumise, arrivée nettement en tête au premier tour, a vu tous les autres se mettre d’accord pour la battre au second. Aussitôt, nous avons entendu Jean-Pierre Raffarin affirmer qu’un front républicain à l’envers s’était constitué[1]. Et en effet, il y a eu un retournement du front républicain, transformé en « front antipopulaire ».

 

J’utilise cette expression, car elle rappelle la situation de 1936, lorsque tous les autres s’étaient mis d’accord contre le Front populaire, selon le slogan « mieux vaut Hitler que le Front populaire ». La formation de ce front antipopulaire est une porte ouverte à la catastrophe pour notre pays.

 

 

- Mediapart : Vous et le mouvement LFI avez cristallisé les critiques. Vos détracteurs vous excluent de l’arc républicain. Comment comptez-vous briser cet isolement ?
Jean-Luc Mélenchon : D’abord, on ne se sent pas isolés. Nous représentons un secteur de la population. Notre ciblage n’est en fait qu’un prétexte à une autre visée politique, à savoir l’unification des droites. Le défi qui nous est posé, c’est de ne jamais mettre à distance les milieux sociaux que l’on représente, même quand ils ont des contradictions – parce que ça ne fait plaisir à personne que des voitures brûlent. Nous devons empêcher qu’une partie de notre bloc bascule du côté du parti de la répression. Pour cela, il faut continuer d’être l’expression politique de ce bloc, même quand c’est difficile. La justice partout est sa cause commune !

 

De toute façon, aucune propagande n’effacera les données du problème.

  • Premièrement, les quartiers populaires ont été mis au ban de la République, avec des populations racisées par le regard des autres, assignées à résidence et à religion, qui bénéficient de moins d’argent, de transports et d’offre médicale que les autres.
  • Deuxièmement, les riches ont fait sécession. Ils se sont réfugiés dans leurs quartiers avec une vision fantasmée du reste de la société. De manière générale, tout ce qui était de l’ordre de la mise en commun disparaît, avec pour résultat « chacun chez soi ».

 

 

- Mediapart : Vous évoquez « les riches », mais les comportements de sécession sociale peuvent aussi toucher les classes moyennes…
Jean-Luc Mélenchon : Parlons-en. Déjà dans les années 1930, les classes moyennes représentaient un enjeu électoral. Elles étaient plus hétérogènes qu’aujourd’hui, avec beaucoup de boutiquiers et de paysans. La droite opposait le sort de ces groupes à celui des ouvriers, dans son combat contre le Front populaire. Aujourd’hui, on fait face à un milieu plus homogène qu’à cette époque, en raison d’une communauté matérielle de fait dans la dépendance aux réseaux.

 

Regardons de plus près. Pour que la stratégie de centre-gauche fonctionne, comme dans les années 1970, il faut des classes moyennes ascendantes. Quand j’étais adhérent socialiste à Lons-le-Saunier [dans le Jura – ndlr], ma secrétaire de section était une assistante sociale, mon premier secrétaire fédéral était un maître de conférences à la faculté. Qui étaient ces gens-là ? Des enfants d’ouvriers syndiqués, en ascension sociale et communiant dans des mots d’ordre transversaux, comme celui de l’autogestion.

 

La différence, c’est qu’aujourd’hui les classes moyennes ne sont plus ascendantes. Elles sont appauvries et en voie de déclassement. Leur rapport à la politique est déterminé par une incertitude : dans la polarisation sociale, de quel côté vont-elles aller ? Là, en ce moment, elles penchent vers le retour au calme. Dans huit jours, cependant, vous aurez une avalanche de documents, d’articles, de tribunes sur les conditions de vie dans les banlieues. À ce moment-là, je pense que les classes moyennes « sachantes » et éduquées vont reprendre leur sang-froid, et seront convaincues qu’il n’y a pas de solution policière à une situation pareille.

 

 

- Mediapart : Quelle stratégie politique adopter dans une arène médiatique hystérisée et binarisée ? Vous avez pour principe de ne jamais reculer sur vos prises de position, mais n’est-ce pas prendre le risque de devoir vous justifier sans cesse sur la forme, au détriment du fond ?
Jean-Luc Mélenchon : Je vous rappelle que nous ne vendons pas des glaces. Nous appartenons à un camp politique, on ne peut pas marchander nos convictions. Et c’est la condition pour être entendus ensuite.

  • Si nous ne tenons pas bon, qui va le faire ?
  • De qui gagnerait-on la sympathie en cédant ? Des gens qui s’affolent ? De ceux qui ont peur ? Il faudrait alimenter celle-ci ? Non.

Notre devoir est de tenir bon. À cet égard, je suis formidablement et agréablement surpris par la capacité de résistance du groupe parlementaire des Insoumis. Beaucoup ont été élus pour la première fois de leur vie. Ils ont à peine un an d’Assemblée nationale, avec des reproches constants à supporter.

 

À chaque étape, à chaque pas, on dit quelque chose à quelqu’un qui se sent plus digne, plus fort.

 

Nous ne perdons pas de temps à nous expliquer sur la forme, car de forme il n’y en a pas : c’est une pure invention. Aucun d’entre nous n’a appelé à l’insurrection ou à mettre le feu. En revanche, quand je vais à la télévision et que je raconte la situation des mères qui ont du mal à faire face, je suis entendu par des milliers de femmes qui sont la substance du quartier populaire. À chaque étape, à chaque pas, on dit quelque chose à quelqu’un qui se sent plus digne, plus fort.

 

 

- Mediapart : Revenons à la mort de Nahel. Le gouvernement de Bernard Cazeneuve et François Hollande a fait voter en février 2017 une loi permettant un usage facilité des armes à feu pour les forces de l’ordre. Tout le groupe PS avait voté pour. Est-ce possible aujourd’hui pour la Nupes d’avoir une position commune pour son abrogation ?
Jean-Luc Mélenchon : Vous avez raison de pointer cette loi[2]. Ç’eût été le bon sens élémentaire de la suspendre après la mort d’un enfant. Le signal que recevrait la police, c’est : on ne tire plus. En légitime défense, personne n’a jamais discuté du fait qu’ils se servent de leurs armes. Ils le savent. Mais je suis toujours pour limiter la casse. J’avais ainsi été conduit à dire qu’il faut les désarmer pour encadrer les manifestations. Nous défendons aussi le dépaysement immédiat de toute affaire de violences policières, ce qui est une revendication du Syndicat de la magistrature, et la création d’une commission « Vérité et justice ». Nous en avons besoin, car il y a un grand nombre d’affaires où il n’y a pas encore de décision de justice.

 

Venons à celles et ceux qui ont voté cette loi. Pour commencer, ni les Verts ni les communistes ne l’ont fait – c’est un bon début. Quant aux socialistes, leur groupe à l’Assemblée a fait un communiqué qui dit ceci : « Parce que nous sommes attachés à l’ordre républicain, [...] nous le disons clairement : il faut urgemment redéfinir une doctrine de maintien de l’ordre, travailler à une réforme de la formation des policiers, à une refonte des autorités de contrôle et de sanction de nos forces de l’ordre, mais aussi à une nécessaire évaluation de l’application de la loi de 2017, en vue de la réviser. » Ils veulent donc la réviser, c’est mieux que rien. Quel besoin d’aller ensuite dire qu’ils ont une divergence fondamentale avec moi ? De quoi parlent-ils ?

 

 

- Mediapart : Juste après la mort de Nahel, vous avez dit que la police devait être « entièrement refondée ». Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Et que répondez-vous à toutes celles et ceux qui, à gauche, estiment que la police sera toujours une force de répression au service de l’État ?
Jean-Luc Mélenchon : Il y a besoin d’une police dans toutes les sociétés, c’est l’évidence depuis que les villes existent. Je ne pense pas qu’on se passera de la nécessité de faire appliquer la loi par des gens qui représentent l’État. Pourquoi ? Parce qu’on ne veut pas que tout le monde s’en mêle. Il y a une police, pour que tout le monde ne la fasse pas, et parce qu’il faut la faire bien. C’est donc un métier et une délégation de pouvoir qui doivent rester sous étroit contrôle politique. Traditionnellement, les grandes forteresses de l’État sont cogérées. Le ministre de l’intérieur compose avec les syndicats de police. Mais entre composer et lui donner le pouvoir, il y a une marge !

 

Les enquêtes démontrent que près de 50 % des policiers votent à l’extrême droite[3]. Comment se fait-il que le corps chargé du maintien de l’ordre républicain ait majoritairement comme opinion des idées qui ne le sont pas ? Qu’est-ce qui fait qu’un homme de 24 ans tire sur un gamin ? Ou sur une jeune femme ? C’est parce qu’il n’y voit pas son frère ou sa copine. Je ne dis pas qu’ils tirent par racisme, mais leur racisme leur fait oublier sur qui ils sont en train de tirer. C’est ma conviction.

 

Il faut donc refonder la police, en commençant par la formation, la reprise en main de l’encadrement, le rétablissement du code de déontologie de Pierre Joxe... Je vous rappelle d’ailleurs que lorsque celui-ci était ministre de l’intérieur et que des policiers sont venus manifester en armes sous ses fenêtres, il en a mis à pied cent vingt, et exclu quatre. Je vous garantis qu’après cela il y avait une ambiance de travail. Les revendications, oui, c’est la vie syndicale. Mais le syndicat qui écrit « nous sommes en guerre », ce devrait être une mise à pied directe.

 

Entretien de Jean-Luc Mélenchon avec Mediapart le 4 juillet 2023 : « Le pouvoir ne contrôle plus la police, il en a peur »
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- Mediapart : Vous avez évolué sur les questions d’islamophobie. Peut-on dire la même chose à l’égard de la violence en politique ?
Jean-Luc Mélenchon : Par rapport à mes 20 ans, incontestablement. À 20 ans, j’étais un admirateur de la guerre de guérilla du Che. Ensuite, après le coup d’État de Pinochet, j’étais d’accord avec ceux qui faisaient de la résistance armée. Et puis, j’ai fait le bilan de tout ça : avons-nous eu un résultat significatif où que ce soit, d’une quelconque manière ? Non, et les meilleurs sont morts.

 

Je pense définitivement que la violence comme stratégie politique ne mène nulle part. Non parce que je serais une espèce de saint que la violence effraierait, mais parce que ça ne mène qu’à des désastres. Je prône les stratégies non violentes. La seule stratégie révolutionnaire, c’est le vote.

 

 

- Mediapart : Comment expliquez-vous alors qu’on vous accuse d’être du côté de la violence ?
Jean-Luc Mélenchon : Nous devons passer notre temps à nous défendre d’être des violents, alors que c’est le pouvoir qui institutionnalise la violence. Par ailleurs, il y a aussi une dérive sémantique du vocabulaire. Quand j’entends Macron parler de « décivilisation », ça me fait peur. Même lorsqu’on parle d’émeutes, par habitude de langage, cela suggère que c’est un truc fou et aveugle, alors qu’on voit bien que les choses sont plus compliquées. Nous sommes dans une situation de révoltes urbaines. Elles prennent des formes qui épousent le terrain.

 

 

- Mediapart : Justement, vous insistez beaucoup sur le fait urbain dans votre ouvrage « L’Ère du peuple ». En 1989, déjà, le texte fondateur de la Nouvelle école socialiste théorisait le concept de « social-démocratie urbaine ». Comment les habitant·es des quartiers populaires peuvent-ils reprendre le contrôle collectif sur cet espace ?

Jean-Luc Mélenchon : Mon idée, à l’époque, c’était qu’avec l’urbanisation du monde, les nouvelles organisations progressistes, socialistes et collectivistes naîtraient de la structure urbaine et pas dans les entreprises. La ville n’est pas un décor, elle correspond à son époque. Logiquement, elle a accompagné les diverses mutations du capitalisme.

 

Sous l’ère fordiste et keynésienne, on avait découpé la ville en morceaux : l’endroit où l’on habite, l’endroit où l’on va se balader, l’endroit où l’on mange, etc. Mais c’était une ville de contrat social, dans laquelle tout le monde vivait ensemble. Puis, on est passé à la ville néolibérale, marquée par une dynamique de gentrification. Aujourd’hui, dans Paris, si vous êtes une famille et que vous n’avez pas 5 000 euros à deux, vous ne pouvez pas y arriver.

 

La ville produit aussi des formes politiques spécifiques. Lorsque ses habitants sont sans ressources, ils entrent dans des phases de révolte qui sont des éruptions. Il n’y a plus de médiation pour que ça se traduise dans des formes où un compromis soit possible. La ville n’en est pas moins le nouveau terrain de la conflictualité sociale, parce que pour produire et reproduire votre existence matérielle, vous avez besoin des réseaux. Et avec un réseau, on ne négocie pas. L’eau du robinet coule ou elle ne coule pas. Il y a de l’électricité ou il n’y en a pas.

  • J’appelle chacun à surmonter l’esprit de clan, afin de se mettre à la hauteur des événements.

 

 

- Mediapart : La coupure de la classe politique avec des quartiers populaires ne date pas d’hier. Jusqu’où la faites-vous remonter et comment renouer le lien entre les habitant·es de ces quartiers et les structures politiques ?
Jean-Luc Mélenchon : Cette rupture dépend du rapport de force social. Depuis toujours, les possédants répètent que les classes sociales soumises et opprimées sont dangereuses. Pendant la Commune de Paris, Émile Zola s’en va en disant : « C’est une cause merveilleuse mais elle est mal représentée. »

 

Quand les syndicats ont perdu leur puissance, détruite par le néolibéralisme, il n’y a plus eu de ligne de résistance sociale et politique. Les partis au pouvoir n’allaient pas donner raison à ceux qui protestaient contre leur gestion, c’est-à-dire les quartiers populaires. L’ultime ligne de défense que nous avions, c’étaient les associations, et elles ont aussi été démontées. On a laissé des millions de gens désarmés. Et le discours des dominants continue : les révoltes sont de la faute des révoltés. Il n’y a absolument rien de nouveau sous le soleil depuis un siècle.

 

Les Insoumis disposent de 4 000 référents d’immeuble. Il n’y a pas une seule autre organisation qui fasse ça. On est encore loin du compte, il nous en faudrait 4 à 5 fois plus. Il y a aussi la représentation politique. C’est-à-dire faire élire Rachel Keke, Carlos Martens Bilongo, ou Louis Boyard, qui vient lui aussi d’un quartier populaire. Donc, le problème est posé et on essaie d’y répondre.

 

Mais je considère que c’est la restructuration sociale qui produira sa propre représentation politique. La loi prévoit déjà que les villes de plus de 20 000 habitants doivent faire des comités de quartier. Mais dans combien de villes y en a-t-il vraiment ? À partir du moment où vous avez des immensités urbaines, sans bords, sans limites, il est évident que la question de la gestion se pose différemment, et que la bonne échelle, c’est le quartier.

 

 

- Mediapart : Le mouvement social contre la réforme des retraites a subi une défaite, on voit l’agenda sécuritaire s’imposer et plusieurs responsables politiques parler comme l’extrême droite. Quelles initiatives concrètes la gauche doit-elle lancer pour ne pas subir cet agenda mortifère ?
Jean-Luc Mélenchon : Il faut d’abord que la gauche existe. En politique, nous avons réussi à surmonter la division – au prix de nombreuses difficultés – en proposant la coalition Nupes pour les élections législatives. Mais ça ne suffit pas. La stratégie, c’est l’union populaire[4], pas seulement l’union des partis politiques. L’union populaire, c’est un objectif qui s’adresse à la masse et qui transite aussi par des formes organisées. On l’a vu pendant la bataille des retraites, nous n’avons toujours pas surmonté l’absurde division entre forces sociales et forces politiques. Naturellement, nos adversaires profitent à 100 % de la situation : ils opposent les syndicats aux organisations politiques, puis les organisations politiques entre elles.

 

Après une semaine de révoltes et sans aucune réponse du pouvoir, sommes-nous capables d’appeler ensemble à une mobilisation ? Pouvons-nous porter des mots d’ordre communs comme « la vérité et la justice » ? Les marches de samedi y répondent [un appel collectif au rassemblement a été lancé pour le 8 juillet – ndlr]. Cela préfigure bien l’union populaire.

 

  • Les discussions ont lieu, on fait ce qu’on peut, mais nos adversaires sont très habiles : en me diabolisant, ils essaient de me rendre infréquentable. Ma personne n’est pas le sujet. C’est pourquoi j’appelle chacun à surmonter l’esprit de clan, de chapelle et de groupe, afin de se mettre à la hauteur des événements. Quand vous avez des fachos dans la rue, il est quand même temps de se réveiller, non ? Il faut être capable d’y opposer un front non violent, mais qui, pour être efficace, doit être dix fois, cent fois plus massif que celui des violents.

 

 

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-  La révolte des quartiers est une lutte de classes

Retrouvez l'intervention de Jean-Luc Mélenchon à l'occasion de l'observatoire politique de La France insoumise ne juillet 2023.

 

 

Notes :

[1Législative partielle : «Un front républicain anti-Nupes est en cours de constitution», lâche Raffarin

[2] article 435-1 du Code de la sécurité intérieure issu d’une loi de 2017 de Bernard Cazeneuve

[3] Selon le sociologue Luc Rouban, lors du premier tour de la présidentielle de 2017, 41 % des militaires et 54 % des policiers interrogés ont voté Marine Le Pen (contre 16 % de l’ensemble de la population).

[4] Jean-Luc Melenchon : après l'union de la gauche, vite L'UNION POPULAIRE !

 

Pour en savoir plus :

- « S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »

Plutôt Hitler que le Front Populaire dans les années 30, plutôt Le Pen que Mélenchon aujourd’hui

- Après la mort de Nahel, LFI veut abroger une loi de Cazeneuve, accusée d’être « un permis de tuer »

- Radicalisation policière : le poids de l’extrême droite dans les forces de l’ordre

- Policier écroué à Marseille : un sociologue constate une "fronde organisée à l'intérieur de l'État" après les propos du directeur de la police

- La justice est " la seule légitime pour décider du placement ou non en détention provisoire des personnes qui lui sont présentées ", a rappelé lundi 24 juillet le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en pleine polémique sur l'incarcération d'un policier à Marseille

- 12 juillet 2023 : lors de l'élection du secrétaire de la mission d'information « sécurité civile », la Macronie et LR ont fait élire un député RN pour empêcher la victoire du député France insoumise/Nupes Florian Chauche ! Ils prétendent être l'#ArcRépublicain, ils sont l'#ArcRéactionnaire !

- De la république policière à la république fasciste ?

- Août 2023 : Un homme de 23 ans, policier auxiliaire, arrêté après plusieurs incendies commis à Tours

 

Entretien de Jean-Luc Mélenchon avec Mediapart le 4 juillet 2023 : « Le pouvoir ne contrôle plus la police, il en a peur »
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9 juillet 2022 6 09 /07 /juillet /2022 09:13
Plutôt Hitler que le Front Populaire dans les années 30, plutôt Le Pen que Mélenchon aujourd’hui

Quand Frédéric Lordon prédisait le retournement du barrage républicain pour Marine Le Pen contre Mélenchon

 

Avril 2021, plateau de La Bas si J’y Suis[1]. Le philosophe Frédéric Lordon est l’invité de Daniel Mermet pour présenter son nouvel ouvrage sur le communisme co-écrit avec Bernard Friot. Un passage de l’émission mérite d’être ressorti aujourd’hui. Il est d’une clarté éclairante.

 

Sources : l'Insoumission | mis à jour le 16/07/2023

- Le philosophe commence par décrire la haine des médias à l’encontre de Jean-Luc Mélenchon

« Mélenchon est celui qui l’objet du traitement de défaveur le plus appuyé de la totalité des médias mainstream. Il est l’objet d’un déferlement de détestation proprement viscéral. On lui choisit toujours la photo la plus désobligeante, on lui déforme ses propos. Au moindre écart de conduite ou de langage, il en a pour 3 jours. Je me dis que c’est un bon signe : quelqu’un qui s’attire, à ce point, une haine universelle de l’ensemble des institutions formelles et informelles de la démocratie bourgeoise ».

 

 

- Le deuxième point de Frédéric Lordon, sur le barrage républicain, est savoureux
Je l’ai écrit il y a des années « Cette connerie du front républicain pourrait se donner une nouvelle occurrence en se reformant contre Mélenchon. Je suis prêt à parier que Mélenchon contre Le Pen, d’une part, version faible, le front républicain n’est pas du tout garanti en faveur de Mélenchon, d’autre part, version forte, il se pourrait qu’une front républicain se reconstitue mais contre Mélenchon ». ...La situation politique de juin / juillet 2022.

 

- Jean-Luc Melenchon : « Le destin de LREM, de LR et du RN est de se regrouper sous la houlette de Le Pen ».

 

 

Cela se passera de la manière suivante[2] : " L’Assemblée nationale va devenir la casserole dans laquelle ils vont mettre à cuire leur soupe. Lorsque le gouvernement affirme qu’il travaillera à des majorités de projets, il sait parfaitement que cela ne fonctionnera pas avec nous. Ils présenteront donc des textes sur lesquels LR fera de la surenchère pour tenter de grignoter des parts à l’extrême droite. Ce qui fait du RN le maître du jeu de la recomposition de la droite. Mme Le Pen n’a jamais eu un autre projet que celui de M. Zemmour, qui n’a cessé d’appeler à la jonction de la droite et de l’extrême droite. Ce n’est pas une surprise pour moi. Dès 2012, j’avais affirmé sur France 2 que, « face à la crise, cela se finirait entre le RN et nous[3]. » "

 

 

Et dans les faits : 👇

Le processus est déjà en marche...

 

 

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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 12:09
« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »
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« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »
« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »
« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »
« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »

" C’est bien le signe que la possibilité d’un effondrement du pouvoir et de l’ouverture d’un espace important pour la gauche anti-libérale (dont la France insoumise est la principale force) est prise sérieusement en compte. "

 

Stefano Palombarini est économiste et maître de conférences à l’Université Paris VIII. Il a publié “ La Rupture du compromis social italien ” (éditions du CNRS, 2001) et, avec Bruno Amable, “ L’Économie politique n’est pas une science morale ” (Raisons d’Agir, 2005) et “ L’illusion du bloc bourgeois ” (Raisons d’agir, 2017).

Ayant été, avec Bruno Amable, le premier à avoir saisi le bloc bourgeois qui se constituait en 2017 autour d’Emmanuel Macron, nous avons été l’interviewer pour savoir si cette lecture était encore valable aujourd’hui, ou s’il fallait réanalyser les rapports de force politiques.

 

Sources : #POSITIONS | mis à jour le 16/07/2023

- Positions : M. Palombarini, vous êtes à notre sens, avec votre co-auteur Bruno Amable, celui qui dès 2017 a compris et démontré les fondations historiques et sociales de la séquence Macron, résumées autour d’un concept désormais hégémonique : le bloc bourgeois. Pourtant dans votre essai vous qualifiez ce bloc “d’illusion”. 2022 arrive à grands pas et l’espace semble soit plus ouvert que jamais à gauche soit totalement fermé, est-on donc en train d’assister à la dissipation de l’illusion ou à sa solidification ?

Stefano Palombarini : Ce que nous avons appelé bloc bourgeois est une alliance sociale agrégée par un projet politique. Il faut se remémorer la situation qui était celle de la France au moment où Emmanuel Macron a émergé dans le paysage politique. François Hollande, président porté au pouvoir par le bloc de gauche, était très impopulaire. Alain Juppé, sur une ligne ouvertement néolibérale, avait été battu aux primaires par François Fillon qui incarnait une ligne plus conservatrice et catholique. C’était une conjoncture parfaite pour réunir les classes bourgeoises auparavant liées à la droite et à la gauche, et Macron a su en profiter en proposant un programme de réformes institutionnelles légitimé par l’engagement européen. Mais il ne faut pas oublier que ce programme était accompagné d’un discours qui se voulait progressiste en termes de droits et de libertés individuelles. Il faut souligner aussi qu’autour des classes privilégiées, socialement très minoritaires et directement favorisées par son programme, Macron avait réuni une partie des classes moyennes séduites par les promesses d’une promotion sociale rendue possible par la perspective de “ modernisation ” du capitalisme français, sans quoi il n’aurait pas été présent au deuxième tour[1]. 

 

  • Aujourd’hui, la situation est bien différente, même si le noyau dur du programme macroniste, la réforme néolibérale, n’a pas changé. Dorénavant, Macron s’adresse ouvertement au bloc de droite : le volet progressiste de son programme a été enterré sous les violences policières qu’il a systématiquement couvertes et les lois liberticides qu’il a fait approuver[2] [2bis]. Le projet du bloc bourgeois était donc bien une illusion, disparue en très peu de temps. Maintenant, il n’est pas impossible qu’une partie peut-être majoritaire des classes bourgeoises qui provenaient de la gauche restent solidaires du pouvoir dans sa dérive droitière.

 

Mais, ce qui est plus délicat, et rend la situation du Président très fragile, est la transformation de la promesse de promotion sociale en menace de dégradation pour les classes moyennes. Les sondages évoquent une stabilité de Macron au niveau qui était le sien en 2017 ; mais il faut s’en méfier, principalement en raison du fait que la droite n’a pas encore de candidat désigné. C’est dans cet espace que joue désormais le Président. Ma conviction est que si la droite présente un candidat solide et capable de la rassembler, le soutien à Macron s’effondrera rapidement, éventuellement au point de le convaincre à ne pas se représenter. Les hypothèses favorables à Macron, c’est une droite qui se divise sur des candidatures fragiles, ou bien qui décide que le candidat le mieux en mesure de la représenter est Macron lui-même. C’est donc sur le bloc de droite qu’il faut raisonner pour analyser les perspectives du Président : le bloc bourgeois ne correspond plus à son projet.

 

 

- Positions :  Pour être présent au second tour, comme vous l’avez dit, Macron a dû rassembler une partie importante des classes intermédiaires convaincues que le clivage gauche/droite était dépassé. C’est ce qu’on peut qualifier de “populisme d’en haut” contrairement au “populisme d’en bas” plutôt acquis à la dynastie Le Pen. Pensez-vous que ce moment populiste est derrière nous et donc que Macron pour se faire réélire devra réactiver le clivage gauche/droite et se positionner en candidat conservateur de droite républicaine alors qu’il a surgit au centre gauche technocratique ou bien peut-il encore tenter le dépassement des clivages traditionnels ?

Cet affaiblissement de l’attachement aux principes républicains a comme conséquence politique importante l’intégration complète du Rassemblement national dans l’espace de la droite

Stefano Palombarini : J’essaie pour ma part de limiter l’utilisation du terme populiste, qui est vraiment polysémique. Il peut faire référence à des phénomènes totalement différents, voire contradictoires :

  • soit à une simple rhétorique anti-élites, soit à la minoration du rôle des corps intermédiaires et à une verticalisation du pouvoir ;
  • soit à l’idéal d’une démocratie directe qui limite le pouvoir des élus ;
  •  soit à la tentative de construire l’unité politique des classes populaires.

Dans le “ moment populiste ” vécu en France mais aussi ailleurs, il y a un peu de tout cela, et c’est surtout la conséquence d’une crise politique qui tarde à trouver une solution. Macron est-il un populiste ? Oui, mais dans une acception particulière du terme, celle qui fait référence à la mission messianique dont il se sent investi, et qui l’amène à enjamber dans ses décisions non seulement le parlement, mais aussi son propre parti et son gouvernement.

 

Cette attitude, qu’il faudrait pour éviter toute confusion appeler autoritaire[3] plutôt que populiste, ne va pas changer, on s’en doute, dans la période qui vient. Maintenant, pour les raisons que j’ai indiquées, il va être obligé de se resituer sur l’axe gauche/droite, ce qu’il a déjà fait en réalité. Je crois que quasiment personne ne l’imagine plus autrement que comme un président de droite. Cela change complètement la donne du problème politique auquel il est confronté. Comme artisan et représentant du bloc bourgeois, il parlait au nom d’une alliance sociale minoritaire mais relativement homogène. A droite, il se retrouve dans un espace large mais fragmenté. Il suffit de réfléchir aux adjectifs que vous utilisez pour qualifier la “droite conservatrice et républicaine”. Macron n’est pas un conservateur, car son objectif essentiel demeure la transformation complète et néolibérale du capitalisme français[4].

 

Mais sur cela, il y a au moins trois positions différentes et difficilement conciliables à droite :

  • Il existe certes une droite néolibérale, qui pense essentiel le pilotage public pour élargir la logique marchande à l’ensemble de la vie sociale, et qui estime que l’Etat à un rôle important à jouer pour garantir au capital un rapport de force favorable dans le conflit qui l’oppose au travail ;
  • Mais il y a aussi une droite ultralibérale, dont la base est constituée essentiellement par des patrons de Pme et des indépendants, qui demande simplement une coupe sensible des dépenses publiques qui puisse garantir une baisse généralisée des impôts ;
  • Et il y a enfin une droite plus populaire et conservatrice, hostile à tout bouleversement des rapports sociaux qui existent, mais attachée à la protection sociale et aux services publics que l’Etat français a été en mesure de lui offrir jusqu’ici.

 

L’autre adjectif que vous utilisez pour qualifier la droite, “ républicaine ”, devient à l’évidence de plus en plus problématique. Dans la tentative de dépasser les contradictions d’ordre socio-économiques que je viens d’évoquer, la droite, toute la droite, du Rassemblement national à Macron, essaie de déplacer le débat sur des thèmes identitaires, et n’hésite pas, pour ce faire, à prendre beaucoup de libertés avec les “ valeurs républicaines ” qu’elle dit vouloir renforcer. Le débat en cours à l’Assemblée nationale sur la loi qui change de nom chaque mois, mais qui n’a pour objectif que de stigmatiser les musulmans français et les immigrés, en est une preuve évidente[5]. Cet affaiblissement de l’attachement aux principes républicains a comme conséquence politique importante l’intégration complète du Rassemblement national dans l’espace de la droite.

 

S’il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c’est désormais contre la gauche antilibérale.

 

 

- Positions : Il se dessine alors un retournement d’alliance dans ce que vous décrivez. Le “ front républicain ” était une alliance entre la gauche et la droite de pouvoir contre l’extrême-droite, le front national. Le néo “ front républicain ” serait alors une alliance entre Macron et Le Pen contre une gauche antilibérale menaçante. Ceci normaliserait le RN dans le camp de droite classique et recentrerait LREM au centre gauche, on aurait là une américanisation (Républicains/Démocrates) de l’espace politique. C’est intéressant, mais pensez-vous réellement que cette situation est tenable en l’état, tant que Marine le Pen sera à la tête de cette nouvelle “ droite extrême ” ?

Stefano Palombarini : La normalisation du Rassemblement national est déjà dans les faits. Ses thèmes privilégiés sont centraux dans le débat public, et par rapport au discours diffusé tous les jours par des médias importants comme Cnews ou Valeurs actuelles, le parti de Marine Le Pen semble même sur des positions modérées[6]. Cela ne veut pas dire que RN, Les républicains et LREM sont destinés à s’allier et encore moins à se fondre dans un seul parti.

Simplement, ce sont des partis qui se situent dans le même espace politique, ce qui a deux implications majeures :

  • d’une part, il faut s’attendre à une mobilité grandissante de l’électorat entre ces partis ;
  • d’autre part, la gauche antilibérale est leur ennemi commun.

Il n’y a pas de complot, par exemple, qui expliquerait la concentration systématique des attaques du pouvoir contre Mélenchon qui, si on croit les sondages, ne représente pas le principal danger pour Macron à la prochaine présidentielle. De même, il est réducteur de penser que Marine Le Pen est préservée car elle est une adversaire facile à battre au deuxième tour.

 

La réalité, c’est que dans la recomposition en cours, les différences entre les programmes politiques de RN, LR et LREM sont en train de se réduire à grande vitesse, alors que la distance avec la gauche de gauche s’accroît. Le débat politique ne fait que refléter cette réalité. Pour ce qui est des qualités personnelles de Marine Le Pen, elles sont connues : même ses électeurs savent qu’elle a hérité de la direction d’un grand parti de masse sans avoir les qualités pour remplir un rôle de gouvernement. Je ne sais pas s’il faut se réjouir de cela. Certes, son profil personnel est un obstacle pour le RN, qui pourrait avec des dirigeants d’une autre épaisseur monter encore plus haut. Mais, je ne crois pas que ce soit un obstacle suffisamment important pour empêcher une victoire de Le Pen à la présidentielle. Si elle gagne, on se retrouvera avec une présidente d’extrême droite et totalement incompétente ; ce qui, il faut l’admettre, n’est pas une perspective réjouissante.

 

 

- Positions :  Face à ce nouvel espace conservateur et réactionnaire comment voyez-vous la recomposition des forces progressistes ? De la gauche en générale pour 2022 ?

Stefano Palombarini : je vois cette recomposition comme… difficile ! J’allais dire improbable, mais il faut garder un peu d’optimisme. Il n’y a qu’à regarder les tensions qui traversent la gauche pour se rendre compte du fait que la perspective d’une recomposition, dans la période courte qui nous sépare de la présidentielle, est hautement incertaine. Les affrontements au sein de la gauche sont multiples, ils se développent dans le politique, mais aussi dans les champs intellectuel, académique et médiatique, et ils répondent à des logiques différentes, car chaque fois c’est une forme spécifique de pouvoir qui est en jeu. On peut cependant, tout en ne leur donnant pas une lecture unitaire qui serait erronée, interpréter ces affrontements à partir d’une contradiction structurelle qui mine l’unité de la gauche.

 

Vous allez peut-être imaginer que je vais parler de la question européenne, comme je l’avais fait avec Bruno Amable dans l’Illusion du bloc bourgeois il y a quatre ans, mais non. Certes, la gauche demeure divisée sur l’UE et l’euro, mais beaucoup moins qu’à l’époque. Les inconditionnels de l’Union européenne sont désormais avec Macron.

 

Toute la gauche est sur des positions critiques, même si variées ; et il faut voir aussi que la dimension contraignante des traités budgétaires est moins forte aujourd’hui qu’il y a quelques années. Bien évidemment, à la sortie de la crise on pourrait voir la Commission demander à nouveau l’austérité, et à ce moment la fracture de la gauche sur la perspective d’une possible rupture serait réactivée. Mais aujourd’hui je ne pense pas que le facteur principal des divisions à gauche soit la question européenne.

 

La contradiction principale vient de la montée en puissance des thèmes d’extrême-droite dans la structuration du débat politique. Cela contraint la gauche à mettre au cœur de son discours sa propre définition de la laïcité ou de l’identité républicaine, à se battre contre le fait que les immigrés, les musulmans ou d’autres minorités soient érigées en bouc émissaires, à dénoncer l’utilisation autoritaire des forces de police, à défendre les libertés menacées. Il est évidemment souhaitable et indispensable que la gauche ne lâche rien sur ces thèmes. Mais il faut voir aussi que cela revient à accepter une structuration du débat politique impulsée par la droite.

 

Une gauche hégémonique :

  • effacerait toute marge de débat sur ces questions, tant il serait évident que la traduction des principes républicains ne laisse pas de doute lorsqu’il s’agit de savoir s’il faut admettre ou pas la liberté de recherche à l’Université, s’il faut respecter les droits des migrants, si le fait d’être croyant d’une religion ou une autre, d’avoir une origine ou une autre, change quoi que ce soit dans la dignité d’un citoyen ;
  • imposerait des clivages d’un autre type, connectés aux questions sociales et économiques : quelles perspectives pour la protection sociale, le droit du travail, quel avenir pour le système de retraite, quelle évolution de la fiscalité et ainsi de suite. C’est autour de ces thèmes qu’une opposition massive, populaire et émancipatrice au macronisme pourrait se construire.

 

Mais voilà : l’hégémonie est à droite et à l’extrême droite.

D’où la contradiction et la difficulté que j’évoquais. Se situer sur le terrain défini par la droite est dans une certaine mesure un positionnement obligé, mais accepter que les clivages politiques soient ceux que la droite impulse rend très improbable un renversement des rapports de force. Et il faut voir la difficulté de tenir ensemble le combat nécessaire sur les thèmes privilégiés et imposés comme dominants par la droite, et le combat tout autant nécessaire pour mettre au premier plan d’autres thèmes. Dans les différents champs que j’évoquais, politique, médiatique, académique, intellectuel, toute proposition d’un chemin possible pour mener simultanément ces deux combats, risque fort de trouver moins d’écho des positions qui en privilégient l’un en minorant l’autre. Comme ce qui détermine les stratégies dans ces différents champs est l’accumulation d’une forme spécifique de pouvoir, il est plus rentable pour les acteurs politiques, médiatiques, académiques ou intellectuels de choisir un combat et d’y consacrer toutes leurs forces.

 

Maintenant, il ne faut pas non plus sombrer dans le pessimisme. Je suis par exemple très admiratif de la capacité qu’a montré Bernie Sanders de s’opposer à la dérive autoritaire, raciste et identitaire de Trump tout en arrivant à propulser sur le devant de la scène ses propres thèmes, qui s’adressent à la working class, sans distinctions d’origine, de religion ou de couleur. Ce n’est pas simple donc, mais on peut y arriver.

 

 

- Positions : Si comme vous l’avez dit le débat se structure autour de thèmes culturels et identitaires, c’est-à-dire par l’hégémonie de droite, quelle pourrait être la meilleure réponse pour une gauche offensive, et surtout sur quelles classes ou quel bloc appuyer ses réponses ?

Stefano Palombarini : C’est une question un peu piège, car elle prend les choses dans le mauvais ordre. Il ne faut pas commencer par identifier une base sociale et ensuite partir à la recherche du discours qui peut la séduire car cela ne mène nulle part. Certes, d’un point de vue théorique il y a des choses qu’on peut exclure. Reconstruire l’ancien bloc de gauche à l’identique est par exemple impossible, compte tenu de l’adhésion d’une partie de la bourgeoisie de gauche au macronisme.

 

De même, s’imaginer réunir l’ensemble des classes populaires dans un seul bloc est hors de portée, tant elles sont traversées par des contradictions non seulement d’ordre culturel ou idéologique, mais qui portent aussi sur leurs attentes économiques. J’écoutais Bruno Amable dans une émission récente dire des choses très pertinentes au sujet de la gauche et du combat contre le néolibéralisme. Si on veut parler à une partie importante de la population, il faut rester sur des questions très concrètes : le nombre de lits à l’hôpital, la protection sociale, le système de retraites, la discipline des licenciements, le droit aux allocations chômage, les normes de sécurité au travail. Le rôle de la gauche, si elle veut exister, c’est d’abord élaborer un programme cohérent qui montre la possibilité réelle, sur ces questions, d’une réponse strictement opposée à celle de Macron et du reste de la droite ; et ensuite arriver à faire connaître ce programme.

 

 

👉   Sur le premier point, il faut dire que la France insoumise est pratiquement le seul mouvement à avoir fait le boulot.

L’Avenir en commun peut être certainement critiqué et il est susceptible d’amélioration ; mais il existe.

 

Pour ce qui est de se faire écouter, d’arriver à faire connaître le programme au-delà des cercles militants, c’est plus compliqué. Certes, les médias dominants, y compris publics, préfèrent laisser toute la place à des questions politiquement sans relief, comme celle du séparatisme, au lieu de comparer les programmes des partis sur les thèmes qui conditionnent directement les conditions de vie des Français. Mais, après tout, quand ils protègent les dominants, les médias dominants font leur boulot. La gauche aurait besoin, pour les contrer, d’une présence forte et diffuse sur le territoire, et on peut sur ce point mesurer à quel point elle paie la disparition des vieilles structures, tant décriées, des anciens partis politiques.

 

Pour revenir à votre question : quelle base sociale ?

Ma réponse est :

  • si la gauche est en mesure de porter et de faire connaître un projet cohérent et crédible radicalement alternatif au néolibéralisme, fondé sur les principes de solidarité et de dignité du travail, sur la prise en compte de l’impératif de la soutenabilité écologique, et qui donne des réponses précises aux questions concrètes que j’évoquais, elle trouvera une écoute très large au sein de la population.

Le profil du bloc, on l’examinera une fois qu’il existera, ce n’est pas de là qu’il faut partir. Et vous savez, un analyste se doit de rester très modeste. Une chose est d’analyser un bloc qui existe, ou qui a existé, les raisons pour lesquelles il s’est consolidé ou il est entré en crise. C’est une chose complètement différente de faire exister une alliance qui n’est pas encore là : c’est tout l’art du politique d’y arriver, et ce n’est pas mon métier. Sur la période à venir, tout ce que mon rôle me permet de faire, c’est de souligner les contradictions qui minent certains projets. Comme je le disais, la reconstruction à l’identique de l’ancien bloc de gauche et l’émergence d’un bloc populaire exactement spéculaire au bloc bourgeois me paraissent deux perspectives également illusoires. Mais cela ne veut pas dire qu’un bloc de gauche renouvelé, au profil encore impossible à définir, ne puisse se former dans les prochaines années.

 

 

- Positions :  Pour terminer, un pronostic pour le premier tour de 2022 ?

Stefano Palombarini : C’est très compliqué, car il est difficile de prévoir dans quelle mesure les effets sociaux de la crise économique se feront sentir avant l’élection.

 

On voit cependant que le pouvoir est en pleine panique.

Il sait que ses réformes sont impopulaires, et que les aides qu’il a prévu pour atténuer les conséquences sociales de la récession ne pourront pas être prolongées indéfiniment. Il réagit à la perspective d’un effondrement possible par la multiplication de provocations d’extrême droite, comme celles dont sont protagonistes tous les jours Darmanin, Blanquer, Vidal et compagnie, et par une attitude concrète d’extrême droite sur le maintien de l’ordre et les libertés publiques[5] [7].

 

J’ai du mal à imaginer qu’une telle stratégie puisse fonctionner. Les thèmes que Macron propulse dans le débat favorisent Marine Le Pen qui sera donc avec toute probabilité au second tour.

 

Mais l’autre place est à prendre.

C’est sur cela qu’il y a davantage d’incertitude. Si dans les mois qui viennent la droite se trouve un candidat solide, un conservateur capable de convaincre qu’il saura réformer mais sans la brutalité de Macron et en offrant plus de garanties que Le Pen, ses perspectives seront excellentes. Mais pour l’instant, la droite manque d’un candidat vraiment à la hauteur. D’un autre côté, avec la souffrance sociale destinée à augmenter, il y aurait un vrai espace pour une gauche capable d’orienter différemment le débat, et de montrer qu’une telle souffrance n’est pas simplement l’effet de la crise, mais aussi des politiques et des réformes néolibérales qui en accentuent les effets.

 

 

  • Mais soyons clairs : il y a désormais un vrai barrage contre une telle gauche, auquel participent macronistes, droite LR et extrême droite, soutenus par l’ensemble des médias dominants, de France Inter à Cnews.
  • C’est vraiment étonnant de voir un front si large se rassembler contre des forces qui sont minoritaires dans les sondages ; mais c’est bien le signe que la possibilité d’un effondrement du pouvoir et de l’ouverture d’un espace important pour la gauche anti-libérale est prise sérieusement en compte.

 

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En France, un barrage pseudo-républicain, est désormais en construction contre la gauche antilibérale avec en fond le vieil adage de 1936 " Plutôt Hitler que le Front populaire " mis au gout du jour " Plutôt Le Pen que L'Avenir en commun avec Melenchon "

 

Face au rassemblement des droites et de l'extrême droite, voire du PS, L'ALTERNATIVE EXISTE :

c'est RASSEMBLER LE PEUPLE AUTOUR DE L'AVENIR EN COMMUN !

 

 

« S'il existe encore un barrage pseudo-républicain en France, c'est désormais contre la gauche antilibérale »
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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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